Offre de thèse (2023-2026) au Cirad de Toamasina, Madagascar

Interactions entre culture de rente et agrobiodiversité végétale dans les agroécosystèmes tropicaux : cas du giroflier sur la côte Est de Madagascar

Direction de thèse : Dr. Eric MALEZIEUX (directeur), Dr. Isabelle MICHEL (co-directrice)
Encadrement : encadrement local assuré par Dr. Julien SARRON (UPR HortSys)

Co-encadrement Dr.Pascal DANTHU
Ecole Doctorale : la thèse sera inscrite à l'école doctorale GAIA (Université de Montpellier), dans la filière Sciences Agronomiques Unité de Recherche : UPR 103 HortSys - Fonctionnement agroécologique et performances des systèmes de culture horticoles
Mots clés : biodiversité, agroforesterie, giroflier, géostatistiques, cartographie, Madagascar.

Profil du candidat : Formation ingénieur ou master recherche en agronomie/agroforesterie,
compétences approfondies en analyse du paysage et écologie du paysage. Compétences en
géostatistiques nécessaires (QGIS, ArcGIS). Maitrise du logiciel R. Capacités de rédaction en anglais
scientifique. Autonomie et capacité d’adaptation pour un travail dans une équipe pluridisciplinaire et dans
un pays tropical en voie de développement.

Spécialité : Agronomie et écologie

Pour postuler : envoyer un CV et une lettre de motivation à Julien SARRON par à Julien SARRON

Contexte :
Madagascar est un pays inclus dans un des points chauds de biodiversité les plus menacé du monde par le changement climatique et la déforestation (Morelli et al. 2020). Un tiers de la valeur des exportations de Madagascar repose sur les produits agricoles. Les paysages de la côte Est de Madagascar sont largement impactés par des cultures de rentes introduites par l’Homme, notamment le giroflier, la vanille et le litchi (Danthu et al. 2022). Ces cultures pérennes ont contribué à façonner l’agrobiodiversité des systèmes de culture en relation avec leur trajectoire, les pratiques culturales et les choix des producteurs (Michel et al. 2021; Martin et al. 2022). Le giroflier est parmi les cultures de rente les plus importantes de Madagascar et permet de produire deux types de produits à haute valeur commerciale : le clou, issu de la récolte et du séchage des boutons floraux, et l’huile essentielle (HE), issue de la distillation des feuilles (Danthu et al. 2014). Madagascar est l’un des premiers producteurs et exportateurs mondiaux de ces deux produits qui constituent la principale source de revenu d’environ 80 000 petits producteurs malgaches, participant largement à leur sécurité alimentaire (Danthu et al. 2020).

Les producteurs de girofliers dépendent en grande partie de la production de clous elle-même exposée à différentes contraintes comme la fluctuation des marchés extérieurs et l’irrégularité des rendements (Danthu et al. 2014). Pourtant, les déterminants du rendement et leurs impacts sur la production de clous sont encore mal connus. La distillation d’HE de girofle a également des impacts sur le stock de bois et la biodiversité forestière. En effet, cette production a lieu dans des alambics artisanaux et archaïques qui consomment une grande quantité de bois de chauffe que les producteurs collectent sur leur(s) parcelle(s) ou à proximité des alambics (Danthu et al. 2020).

De nombreuses études se sont penchées sur l’agrobiodiversité – i.e., l’ensemble de la biodiversité de l’agroécosystème - et son interaction avec la productivité agronomique et/ou économique des systèmes de culture (Jones et al. 2021). La diversification des cultures dans l’espace et dans le temps permet d’augmenter la biodiversité au sein des parcelles qui rend de nombreux services écosystémiques, comme l’augmentation de la fertilité des sols (Mbow et al. 2014) ou encore la diversification des revenus (Paut et al. 2019), contribuant à l’augmentation de la productivité totale de l’exploitation. La diversification est souvent vue comme un levier pour augmenter la résilience des producteurs face aux changements globaux (démographie, volatilité des prix, changement climatique). Or, la gestion et l’usage de l’agrobiodiversité par les producteurs et son interaction avec la productivité sont très peu décrits pour les systèmes à base de cultures pérennes de rente dans les milieux tropicaux, même pour des cultures majeures comme le café, le cacao ou encore le giroflier (Jones et al. 2021). Pourtant, la gestion de ces cultures par les producteurs, affectent les trajectoires des agroécosystèmes et l’agrobiodiversité végétale au sein des parcelles.

L’agrobiodiversité végétale associée, cultivée ou non, et la structure de la végétation des différents types de giroflières de la côte Est malgache (des systèmes monospécifiques aux systèmes agroforestiers complexes) ont été décrites (Mariel et al. 2021). Cependant, à l’instar des autres systèmes à base de plantes pérennes de rente, les interactions aux échelles parcellaire et intra-parcellaire entre le giroflier et la diversité végétale sont encore mal connues. Les producteurs renouvellent et associent les espèces végétales en fonction de leur choix mais également des contraintes (topographie, interaction interspécifiques, etc.). Ainsi, la structure de l’agrobiodiversité végétale est souvent hétérogène à l’intérieur même des parcelles. Cependant, cette hétérogénéité intra-parcellaire reste très peu étudiée. Plus particulièrement, l’usage des espèces végétales et leur association ou non avec le giroflier sont peu décrits. La compréhension de ces interactions est primordiale pour pouvoir proposer des innovations s’appuyant sur la biodiversité afin d’accroitre la résilience des systèmes de culture et des ménages.

Objectifs, questions et hypothèses de recherche :

Ce projet de thèse s’inscrit dans le projet ANR - BiodivClo (2023-2026) : « Biodiversité pour la résilience des agroécosystèmes à base de girofliers de Madagascar ». L’objectif de ce travail de thèse est d’étudier les interactions entre la culture du giroflier et l’agrobiodiversité végétale associée aux échelles du giroflier, de l’unité parcellaire et de la parcelle.

Une partie de la thèse visera à déterminer l’organisation spatiale des parcelles et des unitésparcellaires (en malgache tsabo, Mariel 2022) à base de giroflier, à partir des questions suivantes : comment les producteurs associent les espèces végétales avec le giroflier dans leur parcelle et comment est structurée et gérée l’agrobiodiversité végétale à l’intérieur de ces parcelles ?

Une seconde partie du travail permettra de déterminer la productivité des tsabo pour la mettre en relation avec leur structure : quelle est la productivité agronomique (clous et autres espèces) de ces unités parcellaires et leurs facteurs déterminants ? La biodiversité végétale est-elle corrélée positivement à la productivité de la parcelle ?

Méthodes et résultats attendus:
La première étape de la thèse consistera à réaliser un travail de revue de la littérature sur l’interaction entre cultures pérennes de rente (e.g., cacao, café, litchi, giroflier) et l’agrobiodiversité végétale dans les régions tropicales. L’objectif est de dresser un état des lieux des connaissances sur la diversité végétale au sein des différents types de systèmes de culture, et sur les services écosystémiques rendus par cette diversité, et son impact sur la productivité des systèmes. Des revues existent mais à l’échelle globale (Jones et al. 2021), regroupant culture annuelle et pérenne, ou bien à l’échelle d’une seule culture comme le cacao (Niether et al. 2020). Une telle revue permettrait d’identifier clairement les similarités et différences entre ces systèmes en terme de caractéristique et d’usage de la diversité végétale. Les étapes suivantes constitueront le travail de terrain de la thèse. Le projet de thèse se focalisera sur le district de Vavatenina dans la principale région de culture du giroflier à Madagascar. Ce district est suivi par le Cirad depuis plusieurs années (cf. Mariel 2022). Une dizaine d’exploitations représentant les principaux systèmes de culture identifiés seront sélectionnées et suivies. Chaque exploitation peut contenir jusqu’à cinq parcelles pouvant être subdivisées en tsabo plus ou moins homogènes.

La seconde étape de la thèse consistera à caractériser les parcelles et unités parcellaires de l’échantillon et comprendre la dynamique spatiale des unités parcellaires. Pour ce faire, une cartographie précise sera d’abord obtenue à partir d’images drone à Très Haute Résolution (centimétrique). Cette acquisition permettra à la fois de reconstituer la structure 3D des arbres de la parcelle et de classifier les principales espèces. Ces mesures drones seront complétées par des mesures au sol (relevés botaniques) notamment pour les strates inférieures du couvert. Différents indices de diversité (e.g., Shanon Index) seront calculés afin de délimiter les tsabo contenus dans la parcelle et de déterminer leur composition et configuration spatiale. Cette cartographie descriptive sera complétée par une compréhension de la dynamique spatiale des parcelles à partir d’enquêtes auprès des producteurs à partir d’une approche déjà employée dans la zone (Mariel et al. 2021). Ceci permettra de comprendre comment les producteurs associent les espèces et quelles sont les contraintes et les facteurs pris en compte dans l’organisation de leurs parcelles. Cette enquête permettra de comprendre la perception qu’ont les producteurs de chaque espèce végétale et la conduite qu’ils appliquent : sont-elles favorisées, éliminées ou négligées ? Cette seconde étape de caractérisation permettra d’élaborer une typologie des tsabo en fonction de leur structure. Elle sera appuyée par le travail d’un stage de M2 portant sur la structuration et la gestion de l’agrobiodiversité.

La troisième étape de la thèse consistera en un suivi précis de la productivité des tsabo sur deux années. La méthodologie se basera sur une approche déjà développée sur le manguier au Sénégal (Sarron 2019). Tout d’abord, un suivi précis des performances des girofliers sera réalisé sur un échantillon d’arbres issus des parcelles suivies. Les girofliers seront représentatifs de l’âge et des dimensions observés dans la zone d’étude. Le rendement en clous sera mesuré chaque année en récoltant l’intégralité des clous de chaque arbre. Les pratiques culturales et le rendement à l’échelle de la parcelle seront déterminés par enquête. Les dimensions des girofliers (e.g., hauteur, dimensions du houppier) seront précisément mesurées. En parallèle, sur un sous-échantillon de tsabo représentatifs des principaux types, un suivi très précis de la productivité annuelle sera réalisé en mesurant les récoltes des principales espèces présentes (e.g., arbres fruitiers, tubercules, bois de chauffe). Chaque suivi annuel sera réalisé par un stage de M2. Ces données de productivités seront ensuite extrapolées sur l’ensemble des tsabo de l’échantillon en prenant en compte sa structure (densité spécifique, âge des girofliers, etc.). Ces données seront utilisées pour déterminer les facteurs affectant la productivité des tsabo. Ces résultats seront confrontés aux perceptions que les producteurs ont concernant les facteurs déterminant et limitant le rendement.

Enfin, la quatrième étape visera à intégrer les différentes données sur la structure et la gestion de la biodiversité végétale et sur la productivité des tsabo. Cette étape agrégera les données acquises et permettra de mesurer les interactions entre la biodiversité et l’importance du giroflier en fonction des différentes trajectoires des agroécosystèmes. L’analyse des trajectoires des systèmes girofliers sera réalisée à l’aide des connaissances acquises par le passé sur la zone de Vavatenina et sur les systèmes girofliers de la côte Est, en s’inspirant des travaux de Martin et al. (2022). Il s’agira de déterminer les différentes étapes de trajectoire de chaque parcelle et d’identifier les leviers de changement. Les enquêtes du projet BiodivClo sur la socio-économie de l’exploitation viendront alimenter cette analyse avec des informations sur la place occupée par le giroflier dans le ménage. Cette méthodologie permettra ainsi de percevoir l’évolution temporelle de la biodiversité végétale des parcelles et d’identifier certains facteurs impactant cette biodiversité. Un atelier avec les producteurs, appuyé par le jeu sérieux ‘AgroTsabo’ (Mariel 2022), calibré sur la zone de Vavatenina, sera mobilisé pour compléter/valider cette compréhension. L’analyse des données permettra de comprendre l’interaction ente la biodiversité végétale et la productivité à l’échelle parcellaire.

Début de la thèse : Février - mars 2023
Modalités d’accueil : Le/la doctorant.e sera recruté.e sous contrat Allocataire de Recherche du Cirad pour une durée de 36 mois et bénéficiera de la rémunération mensuelle en vigueur (environ 1 800€ brut) ainsi que d’une indemnité et d’un billet d’avion A/R par an lors de son affectation à Madagascar. Le/la doctorant.e sera accueilli.e au sein de l’équipe HortSys du Cirad de Montpellier et sera basé.e au FOFIFA CRR-Est à Toamasina (Tamatave), Madagascar. Elle/il participera également aux activités du dispositif en partenariat (dP) Forêts et Biodiversité du Cirad à Madagascar.

Références bibliographiques :

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Danthu P, Simanjuntak R, Fawbush F, et al (2020) The clove tree and its products (clove bud, clove oil, eugenol): prosperous today but what
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Sarron J (2019) Estimation spatialisée des rendements d’une culture pérenne en Afrique de l’Ouest : le cas du manguier au Sénégal. Thèse
de doctorat, Université de Montpellier

Publiée : 11/11/2022